Départ de Régis Labeaume: conséquences et perspectives pour la scène municipale à Québec

Capture d’écran, Bulletin TVA Nouvelles de 17h30 du 5 mai 2021

Le 5 mai dernier, le maire de Québec Régis Labeaume annonçait qu’il ne serait pas de nouveau candidat lors des élections municipales de novembre 2021. Il tire donc sa révérence après 14 ans à la tête de la capitale québécoise.

Dans la foulée de cette annonce, j’ai été invité à réagir à la nouvelle et à analyser ses conséquences pour la scène politique de la ville, notamment à TVA Nouvelles, Ici Radio-Canada Première, LCN, ainsi que pour le Journal de Québec et La Presse.

Un premier bilan

Cette annonce surprise du maire de Québec fut l’occasion d’esquisser un premier bilan de ses années à l’Hôtel de ville au Bulletin TVA Québec (5 mai 2021) et sur les ondes de LCN (6 mai 2021). Pratiquement inconnu du grand public à ses débuts, il remporta l’élection partielle de 2007 (avec près de 60% des voix) suite au décès de la mairesse Andrée P. Boucher. Facilement réélu en 2009 (79,9%), 2013 (74%) et 2017 (55%), son règne est marqué par de grands projets (Fêtes du 400e de Québec; construction du nouvel amphithéâtre, inauguration du Grand Marché, lancement du projet de tramway) et de grandes tragédies (attentats à la Mosquée de Québec, tuerie du Vieux-Québec).

Son style direct et bagarreur lui aura attiré les foudres de certaines personnes, mais aura aussi largement contribué à son image d’authenticité. C’est sans doute là l’un des facteurs expliquant sa grande popularité non seulement à Québec, mais aussi ailleurs au pays. Nous avons abordé le sujet dans un article publié par Gabriel Béland dans La Presse (8 mai 2021), tout comme la question de sa capacité d’adaptation et de (re)positionnement en fonction de l’évolution de la scène et des enjeux politiques. Régis Labeaume version 2007 n’est certainement pas le même personnage que celui de 2021. C’est à mon avis l’un des angles les plus intéressants pour aborder les différents mandats du maire sortant, et plus largement la pratique de la politique partisane au municipal.

Conséquences

Le départ de Régis Labeaume ouvre la porte à un renouvèlement des forces politiques sur la scène municipale de la Capitale. Dans un article du Journal de Québec signé par la journaliste Stéphanie Martin (7 mai 2021), j’ai souligné que la prochaine élection sera la plus incertaine quant à la composition finale du conseil municipal depuis 2005, année de l’élection de la mairesse Boucher et d’un conseil composé majoritairement du parti de son principal adversaire. Rappelons qu’aux élections de 2009, 2013 et 2017, le parti Équipe Labeaume avait obtenu une large majorité des sièges. Qu’adviendra-t-il à la suite des élections de novembre prochain?

À ce propos, le départ du maire soulève un doute sur la survie de son parti. Dans un texte traitant de la nature des formations politiques municipales québécoises, la professeure Sandra Breux (INRS) mentionne que leur durée de vie est généralement assez courte. Un parti municipal ne survit que rarement au départ de sa fondatrice ou de son fondateur, particulièrement dans le cas où la personne qui reprend sa direction échoue à (re)conquérir la mairie. L’agonie est alors plus ou moins longue, c’est selon. À ce chapitre, le cas du Renouveau municipal de Québec post-Jean-Paul L’Allier (maire de Québec, 1989-2005) est un bon exemple. Dans le cas d’Équipe Labeaume, Régis Labeaume a déclaré vouloir mettre son équipe au service d’une candidature (probablement d’une candidate) qu’il appuiera publiquement. Pour le reste, ce sera au gens de Québec de décider…

Il n’en demeure pas moins qu’une élection sans maire sortant, c’est un défi potentiel pour les électrices et les électeurs. Au micro de l’émission Première heure à Ici Radio-Canada Première (6 mai 2021), j’ai entre autres souligné que les trois derniers cycles électoraux à Québec ont tous présenté les mêmes dynamiques: il s’agissait plus ou moins de référendums sur l’administration en place et son bilan. Grosso modo, l’enjeu était donc de voter en faveur ou contre le maire sortant. Cela facilitait la prise de décision de l’électorat dans la mesure où les élections municipales étant considérées comme des scrutins de «second ordre», elles retiennent moins l’attention des citoyen(ne)s et des médias. Forcément, donc, l’information est généralement moins facile à obtenir.

Dans un récent rapport de recherche portant sur les motifs de la participation électorale aux élections municipales québécoises (Dubois et Gélineau, 2021), nous avons confirmé l’importance de l’information comme facteur explicatif de la participation électorale au municipal. Lorsqu’une électrice ou un électeur a le sentiment de disposer d’assez d’information pour faire un choix éclairé, cette personne aura plus tendance à participer au scrutin. Toutefois, la nature de l’information peut influencer différemment ce comportement.

Il semble que ce soit d’abord la connaissance des acteurs, et non des institutions, qui motive la participation électorale municipale : la connaissance des candidats et de leurs positions politiques a un effet positif sur l’exercice du vote, alors que la compréhension du système politique municipal et des responsabilités municipales ne semble pas avoir d’effet significatif.

Dubois et Gélineau, 2021, p. 36

Ainsi, l’absence de Régis Labeaume de la prochaine course électorale à Québec aura pour conséquence d’augmenter le coûts d’acquisition de l’information politique auprès de l’électorat, ce qui peut avoir un effet sur leur comportement électoral. Tout cela demeure à être validé en novembre 2021.

Perspectives

Quoi qu’il en soit, la personne qui prendra la direction de l’Hôtel de ville aura du pain sur la planche. Dans un article signé Taïeb Moalla du Journal de Québec (7 mai 2021), nous avons identifié quelques-uns des défis qui attendent la prochaine mairesse ou le prochain maire: conserver et accroitre le poids politique de la Ville de Québec auprès des autres paliers gouvernementaux et affirmer son rôle de capitale nationale du Québec; cohabiter avec un conseil municipal qui pourrait être divisé; piloter le projet de tramway et gérer la phase la plus dérangeante des travaux de construction; piloter l’après-pandémie ainsi que la relance économique, culturelle et touristique de la ville.

Chose certaine, les prochains mois seront forts intéressants et la scène politique municipale de Québec nous réserve probablement encore quelques surprises!

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